JDR : Au fond du puits

Contexte :
Un jardin anglais, avec des herbes mal brossées et des fleurs en bataille, se peuple petit à petit. Des individus de toutes races se consultent au sujet d'une étrange créature apparue dans le jardin. Cette dernière éveille la curiosité de chacun et fait l'objet de maints racontages.



La créature, grande et mince comme une montagne tout étriquée, regarde avec amusement les nouveaux venus. Elle arbore une magnifique écharpe rose qui flotte dans le vent du matin. Il semble que c'est un serpent. Du moins, ça y ressemble.

Soudain, le silence se fait ; il prend la parole.

" Nawaïka à tous,
Je ne pensais pas que vous seriez si nombreux. Ca complique un peu mes projets. Je vais faire avec, tant pis.
Que ceux qui se cachent derrière leur maman quittent ces lieux, tout comme toi là-bas, dit-il dans un rire farouche en pointant du doigt un homme maigrelet, qui passe ton temps à gémir. Aventuriers de pacotille, coincés de la jonquille, retirez-vous.

J'accepte sur mes talons les gens qui n'ont pas d'idées trop arrêtées sur ce qu'est leur monde, ceux qui ont assez d'imagination pour croire en la réalité que je vais leur présenter...Vous avez des questions, au fait ? "


Sa voix rauque se noue autour de toutes les gorges et chacun reste muet.

La drôle de créature avance d'un pas, révélant un joli puits en pierre blanche.

Un homme grand à la carrure impressionnante, se rue sur le serpent tel un Chabal énervé et le plaque au sol.

On n'est pas chez les sauvages, ici ! fait une petite voix stridente, derrière les buissons.
Une petite femme ronde apparaît.

Elle porte une longue et lourde robe largement décorée de chaînes en or. On dirait presque un sapin de Noël.

Dans un sifflement - proche de celui d'une cocotte minute - , elle met en garde quiconque veut s'en prendre au serpent.
Ses intentions semblent bonnes. Néanmoins, l'individu semble effrayer toutes les personnes présentes de part ses manières snobinardes et son apparence. Ses joues tombent et ses yeux sont grossièrement maquillés.

Qui êtes-vous cher monsieur ? demande-t-elle au bout d'un moment.

La créature dérange. Peut-être est-ce son aspect ? Ou plutôt son odeur. De fait, le serpent répand quelque effluve nauséabonde. En tous cas, personne ne se bouche le nez - pour le moment - parce que c'est l'heure de l'ébahissement. Les yeux sont écarquillés, les bouches ouvertes.

J'ai conscience de troubler vos petites habitudes. D'avoir interrompu vos lectures, vos conversations ou vos déclarations d'amour. Aussi, aurais-je pu me présenter. Vous avez entièrement raison gros troll, déclare-t-il à l'adresse de la femme ronde.

Certains s'offusquent.


Je suis d'une race qui vous est inconnue. Un saurus. Ah les saurus ! D'aimables créatures, quoique un peu vicieuses, aux écailles luisantes ! Nous vivons en tribu, dans un autre monde dont la porte se trouve ici-même, sous vos yeux. Mon prénom a peu d'importance.... d'ailleurs, il n'est pas aussi beau que vous l'imaginez. Je dirais même qu'il est banal. Nos parents nous nomment tous pareil. C'est dommage. M'enfin, je ne suis guère venu en ce jardin pour analyser des mots. Si je suis là aujourd'hui c'est en partie pour me doter de fidèles compagnons. Ces derniers devront avoir une confiance aveugle en moi et ne pas être trop obtus. Un manque de tolérance et d'imagination peuvent me rebuter à vous choisir. Si vous souhaitez en savoir plus, je ne saurais satisfaire votre curiosité. Ceux qui cherchent des réponses peuvent me fuir, ceux qui frémissent peuvent partir.

Sur ces mots, le serpent se penche au-dessus du puits et plonge sa main dans la pénombre.

Caché dans les arbres Eliot dormait quand le rafus d'étranges animaux le réveilla. S'étirant les membres, il tomba,
et heureusement pour lui, sur ses pattes. Une longue et belle queue apparue derrière son dos.. Et oui c'était un homme chat.

L'odeur du poisson pourri l'attira, et dit au saurien:

Es-tu comestible? j'ai faim.
Il y a t'il du poisson bien frais dans ce puits?

Le serpent émet un petit rire puis il regarde avec attention le nouveau venu. Sa queue s'agite et balaye le sol. Cela semble être un geste mécanique.

Un chaton, n'est-ce pas charmant ?
Si tu aimes le saumon à la chair bien tendre alors je te suggère de sauter, conseille-t-il dans un sourire.

L'homme félin s'avance prudemment et glisse un oeil au fond du puits. Rien. Le vide et l'obscurité du néant paraissent l'effrayer ; il recule aussitôt

Un peu de courage mon garçon. Pour attraper un poisson, il faut bien aller à la pêche, non ?

A peine a-t-il prononcé ces mots, que la créature disparaît.

Effrayé par la disparition de énergumène, il bondi 3 mètres en arrière et retomba sur ces 4 pattes, chose peu fréquente, il utilisait rarement ses mains pour se servir d'appui.
Après quelques que seconde sur le qui-vive, il se releva.

-Foutu magicien de médeux, je le griffera bien celui là. Ce n'est pas le tout, mais moi j'ai faim! Miaouhhhh

Le chat pris une grosse pierre à coté du puits et la jeta dans le trou sans fond.

On entend alors un énorme : "AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH ! " du fond du puits.


Quelques propos grignotés par l'obscurité parviennent aux oreilles des gens de l'extérieur : " Quel est l'imbécile qui m'a jeté un rocher sur le crâne ? "

Des heures passent, et la foule demeure. Personne n'a quitté le jardin ; tout le monde est dans l'attente d'un fait exceptionnel. Les conversations ont repris leur cours, mais cette fois elles tournent autour du serpent et de ce fameux puits. Un grand trou noir encerclé d'un muraillement d'une blancheur éclatante. La pierre pâle du puits peut être perçue comme le mauvais tour d'un enchanteur pour vous faire plonger dans l'abîme.

Qui osera se jeter dans ce gouffre, cet espace profond auquel on ne peut assigner de limites?

Il cria dans le puits:

-C'est pas moi! c'est la petite femme ronde.
Mais comment t'appelles tu, hommes des profondeurs? Et comment es-tu tombé dans le puits?

Il ne pouvait s’empêcher de penser que le puits renfermait une malédiction, et que le prisonnier aller appâté les pigeons environnant pour pouvoir sortir.

Le serpent soupire.

" Apprenez que je lis dans les pensées ! Et que par conséquent je sais qui a tenté de m'assommer !
Allons, ne soyez pas stupide, sautez ou laissez tomber. J'entends les réflexions de tous ceux qui attendent près du puits. Je leur dis qu'ils peuvent retourner à leurs occupations car je ne remonterai pas les chercher ", annonce-t-il en sifflotant.

En bas, dans les entrailles de la terre, le vent souffle paisiblement. Il provient probablement d'un endroit qui respire la verdure, un autre monde. Autour de la créature aux écailles, en revanche, il n'y a que du noir.

" Sauter ne vous tuera pas. Je suis bien là, n'est-ce pas ? "

"Que regardez-vous tous avec ces yeux de merlans frits ?" demande le jeune garçon d'une voix froide où perce l'arrogance.


"Un trou dans le sol et un lézard qui pue, en voilà un spectacle digne de la plèbe ..* air apprêté et ennuyé* j'aurai dû me douter que ça n'avait aucun intérêt. Et j'ai loupé l'heure du goûter...

Le jeune garçon aux habits luxueux et à la vanité dégoulinante s'approche du puits et fixe le fond .


... *regard mesquin*

"_Tu sens mauvais."

Soudain, une grande tige flexible sort du puits et s'enroule autour du corps du petit noble. La tentacule verte engendre de nombreux noeuds inextricables pour ne pas laisser sa proie s'échapper. Cette dernière s'étouffe presque sous la pression des liens.
La foule n'a pas le temps de réagir ; le jeune homme a déjà rejoint les abysses.

- Tu sens pas terrible non plus, fait le serpent en toisant sa victime du regard.

Il pose sa main rugueuse sur son front brûlant et déclare simplement : " Je sens que nous allons accomplir de grandes choses ensemble. "

Comme il l'a prévu, quelques aventuriers sautent dans le puits pour le rejoindre. La curiosité les a démangés et poussés à l'acte. Ils ne peuvent plus retourner en arrière, revenir sur leur engagement. Les voilà aux côtés du serpent. Avec eux, le vent est descendu jusque dans les entrailles de la terre pour y balayer la poussière de roche. Autour de la créature aux écailles, les parois du tunnel souterrain crissent.

- Je vous attendais, dit-t-il à mi-voix.

Il prétend connaître l'avenir comme s'il détenait quelque prophétie. Sans se lasser, il vaticine que des choses exceptionnelles vont se produire.
Les personnes présentes se questionnent encore et toujours. Verront-elles le soleil à nouveau ? Nul ne le sait.
Au delà des interrogations, demeurent la curiosité et la satisfaction de vivre l'extraordinaire. Un voyage hors du commun les attend tous au bout du chemin.


Un grand portail magique fait son apparition dans la pénombre pour le signaler. Tout scintillant il révèle un paysage jusqu'à lors plongé dans le noir. Un point d'eau étroit siège devant la large porte, sous les branches de deux immenses chênes. Ces derniers se dressent fièrement avec leurs branches dégarnies pareilles à de vieux personnages. Sous les yeux émerveillés des aventuriers, le portail se vêtit de mille et une étoiles bleues et éparpille ses reflets partout sur la surface de la mare d'encre.

Quand Eliot vit tous le monde entrer dans le puits, il se sentit attiré par l'action de masse et sans y réfléchir sauta dans le puits.

Et retomba une nouvel fois sur ces pattes.

-Ohh de l'eau, allons voir s'il y a du poisson! s’exclama t'il, insouciant de savoir s'il pourra ressortir de ce trou un jour.

Après quelques minutes barbotant dans l'eau, il vit la porte magique lumineuse.

-Comment dit-on amis en elfes déjà? j'ai oublié, il s’approcha de celle ci et mis sa patte sur la porte.

Un éclair bleu jaillit de la porte, frappant l'homme chat au passage. Eliot fait un grand bond en arrière et retombe sur ses pattes.
Alors que tous les regards se rivent sur l'imprudent, le portail s'efface pour ne laisser que le noir absolu.

- Rallumez la lumière ! hurle une vieille dame.
- Quelle idiote ! s'exclame le saurus.

Soudain, une petite voix - sans doute celle d'une fillette - se fait entendre. Elle annonce que pour entrer dans cet autre univers, le groupe devra faire un sacrifice.

Tout le monde demeure perplexe. Que cela signifie-t-il au juste?

"sacrifice" ...

Ce mot terrible perce les ténèbres. Le jeune homme se réveille enfin. Sonné, il ne comprend pas très bien où il se trouve. Il se rappelle juste une sorte de tentacule et une voix chuintante dans sa tête.

*baille *

Majordome ! Le thé, je vous prie !

*regard autour de lui *

Pourquoi y a-t-il tant de gens étrange dans ma chambre ? Et qui a éteint la lumière ? D'ailleurs, ça sent le chat mouillé ! Pouaah !

*se lève et titube*

Pfff.... c'st vrai, le lézard pas net et son puits au mystère. Bon, je propose qu'on sacrifie la vielle à gauche, son chapeau est affreusement cheap, je ne saurai supporter cette atteinte au bon goût de si bon matin !

La porte de lumière réapparaît en déchirant la nuit. A la surprise générale, celle-ci s'ouvre et découvre une créature de l'au-delà dans des vapeurs rouges. Comme enveloppée d'un linceul gazeux, l'étique créature reste immobile pendant que les couleurs tièdes s'évaporent. Représente-t-il la mort ? Notre fin est-elle proche ?


Quiconque observe est effrayé par son aspect. Le personnage des ténèbres est dépourvu de chair, de peau, de sentiments. Son visage si l'on peut l'appeler ainsi reste figé sur la même expression. Les yeux ayant quitté l'orbite ont laissé place à des trous sombres et vides. La bouche, sans lèvres ni dents, laisse s'échapper une langue gigantesque, fine et fourchue comme celles des serpents.

Chaque membre du groupe composé par le saurus remarque qu'il tient une épée dans sa main. Une longue et large lame de jais.
Soudain, le squelette questionne :

Quel sacrifice ?

* ouvre grand les yeux et saute derrière le chat*


Pourquoi ce n'est jamais une douce jeune fille qui demande de sacrifier notre corps ?!

* voyant que personne ne réagit*


SEBASTIAAAAAN !




*apparition dans un nuage de fumigène rose et sentant le bonbon*


On fait moins le fier hein, sac d'os ?!

La créature s'efface dans un tourbillon obscur et laisse le champ libre aux visiteurs. A ce moment-ci, le saurus tire la manche d'une jeune femme décoiffée et la conduit jusqu'au portail magique. Au moyen d'un discours enchanteur, il convainc le groupe d'avancer et de s'aventurer au-delà du monde qu'ils connaissent.

Les téméraires marchent prudemment sur les talons de l'homme-lézard tandis que le soleil se lève. Qui eut cru que dans les entrailles de la terre, après avoir emprunté quelques passages souterrains, une porte mènerait vers un monde parallèle ? Qu'un soleil éclairait cet autre univers ?

L'air est moelleux et sent la châtaigne. Les premiers rayons du soleil tiédissent l'atmosphère, l'herbe presque turquoise de la plaine qui s'étale à perte de vue.